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8 février 2009 7 08 /02 /février /2009 13:09
Corinne Lepage: Un deuxième EPR : une erreur historique

La décision de construire un deuxième puis sans doute un troisième EPR, avec de surcroît une exigence de rentabilité due au caractère privé de l’exploitation, est d’une extrême gravité.
Tout d’abord, il n’est pas du tout établi, bien au contraire, que le choix du nucléaire en 1974 au niveau retenu qui a fait de la France  le pays le plus nucléarisé du monde ait été positif pour l’économie française dans sa globalité. Au contraire, un étude faite par Yves Lenoir et jean Pierre Orfeuil (Science et Vie. - SCIENCE ET VIE N° 0794 Dix ans de programme nucléaire : EDF devient un fardeau pour la France) montrait très clairement que tout d’abord, le programme électro nucléaire avait été un formidable accélérateur de la consommation énergétique et électrique.

En conséquence l'intensité énergétique du PIB avait baissé de 30% au Japon mais seulement de 16% en France. Quant aux Etats-Unis, ils ont abandonné le nucléaire en 1974, 4 ans avant TMI. Or, l’électricité n’est pas une énergie compétitive ; l'électricité produite en 1990 avec un parc à dominante nucléaire était estimé dans cette étude à un coût au moins 2 fois plus cher en francs constants que celle produite au début des années 70.Le coût prévisionnel du kW nu installé avait augmenté de 80% en franc constant en 14 ans . Cher, le nucléaire n’a aucunement dopé l’économie ; la croissance industrielle en France en 1990 était la moitié de la moyenne OCDE, le tiers de celle des Etats-Unis et le PIB était de 27% pour une moyenne OCDE de 29%


L'investissement n nucléaire n’a pas favorisé l’exportation  puisque  la balance de la filière (export d'électricité compris) est de 2,7 MdF en 1982 pour 500 MdF investis ! et une dette en devise d'EDF de 80 MdF. De plus, pour obliger les industriel à se convertir à l'électricité (coût de l'ordre de 50 MdF) le gouvernement a institué une taxe non récupérable de 297 F sur le fuel lourd (contre 53 F auparavant)…, d'où une perte de compétitivité de 5 MdF pour l'industrie française par rapport à l’industrie allemande.
L’industrie française a également du supporter un effet d’éviction sur le marché des capitaux puisque la part de l'énergie dans l'investissement industriel est passée de 25% en 1972 à 45 % en 1983, celle d'EDF passant de 10% du total à 22%. Ensuite la régression s'amorce.
Le taux d'investissement de l'industrie hors TP et énergie, passe alors de 17% en 72 à 12% en 1982 et remonte péniblement à 14% en 85, garantissant une perte de compétitivité /par rapport à la concurrence étrangère. Enfin, c’est le secteur captif industriel (électrochimie etc.) a vu son tarif en monnaie constante croître de 40% en 14 ans le secteur à capter (chauffage électrique) a eu son tarif maintenu constant. Durant cette même période, la balance du commerce extérieur n’a cessé de se dégrader.

Les constats précédents, de même que les projections qui sont faites aujourd’hui, indiquent que les estimations de l’industrie ne sont pas crédibles. .Les conséquences à moyen terme seront les mêmes globalement qu'au cours des années 80 : aggravation des déficits commerciaux, perte de savoir faire dans les secteurs porteurs de l'industrie de grande diffusion, retard de la modernisation du substrat économique. S’y ajouteront des conséquences supplémentaires  dues au changement de contexte.

Tout d’abord l’endettement d’Areva comme d’EDF va peser sur toute l’économie française et explique sans doute la volonté du gouvernement de camoufler dans le plan de relance une partie des besoins de financement du secteur électronucléaire. La situation d’Aréva est mauvaise. Standard et Poors l’a placée en surveillance négative et abaisserait sa note si elle décidait de s’endetter pour racheter la part de Siemens. Quant à EDF, la situation n’est pas meilleure.L’endettement s’élevait fin 2007 à plus de 16Mds milliards d'euros auxquels s’ajoute l’emprunt pour acheter British energy. La note d'EDF passe ainsi de « AA- » à « A+ Dans le même temps, l'agence a relevé de quatre points la note de British Energy, à « A- ».Pour Fitch, l'achat de British Energy augmente le niveau d'endettement d'EDF en réduisant son niveau de liquidités disponibles, qui pourrait même être négatif pour les cinq à dix ans à venir.


Tout ceci est d ‘autant plus grave que les privatisations et les exploitations avec des entreprises privées comme suez GDF vont conduire immanquablement à réduire la sécurité qui est déjà en peine du fait en particulier du recours à la sous traitance. Les incidents du Tricastin et d’autres même systématiquement sous-évalués en témoignent comme les critiques formulées par l’ASN sur les contrôles. Or, les risques sont évidents y compris liés à des incidents qui peuvent détruire l’image d’activités économiques comme cela a été le cas au Tricastin cet été.  Malheureusement, les règles de responsabilité sont hors droit commun puisqu’il s’agit d’une responsabilité qui ne joue que pour les accidents classés a partir de 5 Certes la couverture RC prévue pour ne pas rester en dessous du minimum exigé par la législation européenne, est passée de 1 à 2,25 milliards, mais ce montant reste ridiculement bas face aux dommages potentiels. La protection civile suisse a bien montré qu'un accident nucléaire majeur provoquerait en Suisse, dont le plateau est densément peuplé, des dommages pouvant dépasser les 4000 milliards de francs suisses !


Si le risque financier est immense, les avantages sont maigres. Le cout de revient du nucléaire est beaucoup plus élevé que le cout généralement avancé. Le Bureau de suivi du budget du Congrès a évalué à 300% le dépassement du cout de construction des 75 centrales du parc. Le cout de réalisation de nouvelles centrales est actuellement évalué entre 5.000 et 8.000 dollars par kW installéEt ces estimations n’incluent pas les frais de traitement et de stockage des déchets nucléaires. Les estimations ont bondi de 57,5 milliards en 2001 à 96,2 milliards aujourd’hui, ce dernier chiffre couvrant simplement les coûts jusqu’en 2013. Même en France, après la réévaluation du coût de l’EPR de Flamanville estimé à 4Mds d’euros (20% de plus que prévu mais c’est un minimum compte tenu du précédent finlandais) Edf estime à 55 euros le prix du mégawat heure soit un prix qui ne cesse de monter alors que celui de l’éolien et du solaire ne cessent de baisser. Et ce prix n’inclut pas le démantèlement  (les Anglais évaluent à 103 Mds d’euros le coût alors que EDF n’aurait mis de côté que 30Mds pour 3 fois plus de centrales et dans un fonds non dédié…) 


Ainsi ce choix n’est pas le moins coûteux mais en plus il va peser sur l’industrie française qui a vu les tarifs dérégulés augmenter de 48% entre 2006 et 2007 ….et qui sera mise dans l’obligation de faire l’impasse sur le développement de l’économie verte incompatible avec le nucléaire. La bronca contre l’éolien ou le débat sur l’efficacité énergétique dans les bâtiments chauffés électriquement n’est qu’un avant gout de ce que nous allons vivre.

Nous allons tous payer très cher un choix que l’immense majorité de nos concitoyens refusent puisque 12% seulement sont favorables à relancer le nucléaire (dernier eurobarométre)

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commentaires

O
Est ce qu'attaquer le problème de l'EPR par le biais de l'investissement n'est pas un combat d'arrière garde ? Les investissements ont été fait et l'inertie financière favorisera toujours ce choix.<br /> <br /> Ne vaut il pas mieux s'attaquer radicalement à la consommation d'énergie en France ? j'ai été étonné d'apprendre qu'une maison Danoise consommais en moyenne moitié moins d'énergie qu'une maison française.<br /> <br /> Dire non à l'EPR est à mon sens un choix d'avenir sur une autre manière de consommer de l'énergie.
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