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24 janvier 2009 6 24 /01 /janvier /2009 11:19
En Asie, le tourisme durable peine à émerger
Le développement sans précédent du tourisme en Asie a des conséquences inquiétantes sur les écosystèmes et met en péril nombre de sites historiques et naturels. La remise des prix du tourisme responsable à Kuala Lumpur était l’occasion d’évoquer cette alternative encore trop méconnue dans la région.

« Le modèle conventionnel de tourisme fonctionne encore - mais pour combien de temps ? » L’enjeu est de taille en Asie, car la région s’affirme comme un des moteurs de l'expansion du tourisme international. Les bénéfices du tourisme comme facteur de croissance économique sont cependant limités par le fait que la plus grande part des recettes du tourisme international s’échange toujours à l’intérieur des pays développés. Les effets négatifs du tourisme mal maîtrisé risquent aussi d’hypothéquer l’avenir des sociétés d’accueil.

L'entreprise au coeur de la dynamique du tourisme responsable

Les médias sont encore peu critiques vis à vis de l’industrie du tourisme conventionnel, estimaient les intervenants lors de la remise des prix du tourisme responsable à Kuala Lumpur. Les critiques étaient également dirigées contre les opérateurs privés,  peu nombreux à intégrer les principes du développement durable dans leur gestion en Asie. « Les professionnels du tourisme ne sont même pas capables de répondre à la demande -pourtant encore marginale - de tourisme responsable » s’emportait Sunil Chauhan, fondateur d’ Ecosphere (lauréat 2008 dans la catégorie "séjour chez l’habitant" pour son site de Spiti dans l’Himalaya). « C’est une évidence ! Il en va de la survie même du secteur de protéger les sites qui constituent son fonds de commerce. Et pourtant rien n’est fait » résumait Reza Azmi, le fondateur de Wild Asia,entreprise engagée dansla promotion du tourisme durable . L’entreprise se trouvait ainsi promue "agent du changement", en charge de stimuler la demande par un accompagnement pédagogique, d’inculquer les principes de base de la gestion environnementale aux populations locales, et même de sensibiliser les gouvernements des pays hôtes. C’est aussi au secteur privé qu’il revient de planifier et d’organiser ses activités pour en réduire les incidences sur le milieu environnant. Catherine Bossis, qui dirige un site d’information sur le tourisme responsable en Malaisie, insiste sur la confiance entre consommateurs et prestataires d’offre durable : « les vacances responsables sont plus chères, parfois trop. En contrepartie de ce supplément, il faut plus de transparence sur les retombées positives du tourisme durable. » Le secteur doit aussi, pour évoluer, communiquer au-delà d’une clientèle de convaincus.

« Bien-être et authenticité »

Les entreprises récompensées par les prix du tourisme responsable de Wild Asia sont représentatives de la diversité de l’offre en Asie, de l’approche de luxe éco-responsable innovatrice et sophistiquée représentée par Six Senses jusqu’au séjour chez l’habitant dans un village himalayen, inspiré par la vision holistique traditionnelle indienne. Le groupe sri-lankais Jetwing, dont l'approche est d'inspiration plus sociale, participait aussi aux débats. Leurs points communs : une vision à long terme, une approche pragmatique de la responsabilité d’entreprise éco-efficiente mise au service de la qualité, et la place centrale accordée au bien-être. Pour Arnfinn Oines, coordinateur pour l’environnement chez Six Senses, dont le site de Yao Noi en Thaïlande a remporté le prix dans la catégorie haut de gamme, « le bien-être est un concept éminemment asiatique. L’approche responsable appliquée au tourisme permet de lier en pratique le bien-être de l’individu à ceux de l’entreprise et de la société tout entière ».

Sortir de l’ornière militante pour imposer le tourisme responsable est donc une priorité : plus question de se reposer sur une minorité de consommateurs engagés pour soutenir la démarche. « Le séjour sur un site responsable n’est pas plus exigeant qu’un séjour traditionnel. Il n’implique même pas forcément de contact avec la nature : on peut parfaitement envisager un tourisme responsable en ville » insistait Oines : « les consommateurs n’ont pas besoin de connaître les détails techniques de notre gestion durable. Ce qui leur importe, ce sont des prestations de qualité ».
Une analyse confirmée par Wild Asia : « Quand nous avons visité le site de Alila Mangis à Bali, qui a remporté le prix dans la catégorie milieu de gamme, les vacanciers que nous avons rencontré sur place n’étaient même pas au courant de la démarche environnementale de l’hôtel ». Dans un secteur dont les arguments de vente sont la découverte, la sensation ou l’insolite, la démarche de responsabilité sociale devient gage d'authenticité et donc de qualité du produit. Le tourisme responsable innove par un usage intelligent des ressources et rend ainsi l’industrie moins vulnérable aux fluctuations de prix. L’aspect financier reste d’ailleurs une motivation fondamentale aux yeux des opérateurs présents lors de la réunion de travail à Kuala Lumpur. « Inutile de parler de sauver la planète aux populations locales. Au lieu de valeurs, nous mettons en avant les bénéfices concrets de la démarche dans leur vie de tous les jours », témoigne Sunil Chauhan de Ecosphere. Certains professionnels présents estimaient que l’offre touristique avait été trop longtemps sous-évaluée : « il y a des ajustements à faire vers le haut pour refléter la véritable valeur des ressources naturelles ». La stratégie de développement touristique du Bhutan, aux antipodes du tourisme de masse, était évidemment évoquée comme un modèle du genre.

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