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22 décembre 2009 2 22 /12 /décembre /2009 12:29
Après un échec de la violence de celui que nous venons de vivre et qui restera dans l’Histoire à un niveau équivalent à ce qu’eut été un succès témoignant de la capacité de l’Humanité d’assumer son destin, il va de soi que nous devons réfléchir aux causes et conséquences du tsunami qui vient de se passer.
 
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Les causes d’abord. Sans doute est-il de bon ton d’incriminer la présidence danoise qui n’a pas fait montre d’un talent excessif et le blocage évident du système onusien infiniment trop lourd. Mais l’essentiel n’est pas là.
En tout premier lieu, le chaos de Copenhague est à l’échelle du chaos du monde actuel. De même, le fait que les dirigeants du monde aient été capables de sauver le système bancaire et de débloquer des milliards de dollars (qu’ils n’avaient pas en poche pénalisant ainsi le futur) et qu’ils aient démontré leur incurie à sauver l’Humanité d’un désastre inévitable en cas d’échec, illustre l’échelle des valeurs dominantes en ce début de XXIéme siècle et l’illustration de la thèse de Jiared Diamond dans l’Effondrement qui analyse les raisons pour lesquelles, à un moment donné de l’Histoire, une civilisation fait le mauvais choix, celui qui l’emmène à sa perte… Sauf que dans le cas présent , il ne s’agit pas d’une civilisation en particulier, mais de l’Humanité dans son ensemble.

Comme l’a crié à la tribune le président Lula, décrivant la nuit plus qu’improbable qu’il venait de passer, il avait discuté avec des hommes d’affaires et non avec des responsables politiques. Les affaires et l’économisme ont eu raison du bon sens le plus élémentaire. Il faut admettre qu’ils ont été largement aidés par ceux qui ne voulaient pas, et dès le début, d’un accord et ce, pour des raisons diverses. Commençons par les Etats pétroliers, Arabie saoudite en tête, qui, depuis l’origine luttent contre la convention sur les changements climatiques et travaillent de concert avec tous les intérêts pétroliers pour éviter de passer à une économie décarbonnée. Ils ne sont guère éloignés des climato-sceptiques qui ont délibérément saboté la convention en lui faisant perdre deux jours en débats inutiles qui ont cherché à jeter le discrédit sur les travaux du GIEC, discrédit dans lequel, heureusement aucun Etat hors l’Arabie saoudite n’a accordé le moindre intérêt. Ces intérêts pétroliers restent malheureusement très puissants dans l’administration Obama , les Etats-Unis refusant dès l’origine tout accord contraignant tant en ce qui concerne les objectifs de réduction que les financements automatiques et proposant des réductions très faible au regard de l’effort européen.
Continuons avec la Chine qui a boycotté régulièrement toutes les réunions préparatoires depuis plusieurs mois et qui veut avant tout être libre de faire les efforts qu’elle entend et sans aucun contrôle international. Le degré de fermeture dont a fait preuve le premier Ministre chinois préjuge bien mal de la suite.
Tous ces éléments suffisaient amplement à faire échouer par avance la convention. Mais des facteurs supplémentaires se sont agrégés à savoir la faiblesse de l’Europe et la réaction de l’Afrique. Véritable nain politique, l’Europe a été inaudible.

Mais le plus important est sans doute encore ailleurs. L’absence de l’Europe politique est apparue dans toute sa cruauté au cours de ces derniers jours. Même s’il est incontestable que Nicolas Sarkozy, Angela Merkel, Gordon Brown et Luis Zapatero ont essayé de sauver les meubles, l’Europe n’a pas su parler d’une voie forte et défendre un leadership. La convention climat a fait les frais d’une nouvelle forme de guerre mondiale pour le partage des richesses du XXIéme siècle et le partage du pouvoir. Le poids de la Chine qui a fait bloc avec les 77 et plus précisément l’Afrique dont elle semble vouloir faire, dans une nouvelle forme de colonialisme, une sorte de chasse gardée, a poussé en avant un certain nombre de pays qui sont aujourd’hui les premières victimes du fiasco qui vient de se produire. Une nouvelle coalition se dessine dans laquelle l’Europe est étrangement absente. Tout se joue désormais ailleurs et les constructions tentées au cours des mois passés par le Président Sarkozy et Jean-Louis Borloo ont péri dans le naufrage. Car en réalité, l’Europe et les Etats-Unis payent le prix fort, et surtout l’Europe des promesses non tenues de milliards promis et jamais alloués, de bonnes paroles non concrétisées par des actes, d’une hypocrisie patente. Les Africains ont décidé de dire non et d’exiger un Kyoto 2, une manière de prendre les pays occidentaux au pied de la lettre. Et l’Europe n’a pas su ou voulu relever le gant alors même que le paquet climat énergie permettait parfaitement d’accepter une deuxième période pour Kyoto.

Enfin, le G2 (Chine-USA) et quelques autres n’ont pas voulu reconnaître que la question climatique posait avant tout la question de l’interdépendance entre les pays et rendait indispensable un régime supranational dont le GIEC et le protocole de Kyoto constitue les premiers pas. L’échec dans la négociation d’une convention dite LCA (Long-term Cooperative Action) qui aurait permis de définir des objectifs communs et un partage du fardeau effectif et surtout équitable est probablement le plus grave car on voit mal comment le processus pourrait reprendre. Car en définitive, ce qui a manqué à Copenhague, c’est la confiance et celle-ci ne se décrète pas. Elle se prouve.

En bref, ce fiasco annoncé impose à tous, monde de l’écologie compris, un examen de conscience, la définition de nouvelles stratégies fondées sur l’analyse de la réalité politique et non de l’apparence médiatique.
L’échec total, et non le succès partiel que le gouvernement essaye de nous vendre par l’intermédiaire de la secrétaire d’Etat (à laquelle la communication est abandonnée par le ministre d’Etat et le Président) a au moins ceci de positif qu’il interdit de tricher et impose une remise des compteurs à zéro.
Nous n’avons plus qu’à retrousser nos manches et inventer le process qui permettra, sauf à ce que nous décidions d’un suicide collectif, de donner à l’Humanité les moyens de sa survie.

Et maintenant ? entre colère et imagination

L’échec de Copenhague est avant tout bien sûr celui des politiques. Après avoir fait monter la pression et s’être pour certains, cru pouvoir endosser l’habit du sauveur de la planète, l’échec est à la hauteur de l’urgence. Maintenant que faire ?
Eviter que ce fiasco se transforme en succès pour les climato-sceptiques, les pétroliers et autres lobbys dont la cupidité l’emporte sur leur simple intérêt de personne responsable ne serait ce qu’à l’égard de leur propre famille, à l’instar du patronat d’un grand pays industrialisé fêtant au champagne au Bella center vendredi soir l’échec de la convention ou du premier ministre du Canada qui se dit très heureux de l’échec… La réponse est dans la colère, l’indignation et l’action en tant que citoyen et consommateur.
Eviter que les débuts d’une économie verte qui pourrait jouer un rôle majeur dans la transformation du monde même si ce n’est pas la Solution Unique ne se fracassent devant une incertitude des politiques publiques à venir… La réponse est dans la responsabilité sociale des entreprises, le développement de la consommation responsable et les nouveaux comportements.
Eviter que les engagements pris, même s’ils n’ont pas été formalisés dans un accord soient tenus, à commencer par l’Europe qui a besoin de redorer son blason…. La réponse est dans le changement d’attitude à l’égard de l’Afrique en particulier pour rétablir la confiance en tenant à la virgule les promesses faites et en assurant réellement les transferts de technologie et la réalisation d’opérations concrètes.
Il est désormais clair qu’il n’est plus possible de faire confiance aux politiques, devenus des hommes d’affaires et non des responsables politiques pour reprendre l’expression du président Lula, pour résoudre les problèmes du monde. Le court terme et les visions géostratégiques l’emportent sur le fondamental : notre survie.
Il faut donc changer de gouvernance et le gouverneur Schwartzeneger l’a clairement exprimé. Ce n’est pas dans les couloirs de Washington a-t-il affirmé mais dans les grands mouvements sociaux, citant le mouvement des femmes ou de la résistance à la guerre du Vietnam, que se font les grands changements. Au fiasco de Copenhague, il faut opposer les réalisations présentées par les villes et régions, dans toutes les régions du monde qui, elles, changent le monde concrètement. Les technologies existent. Restent à trouver les financements en particulier dans le sud. La société civile en peut désormais plus compter que sur elle-même pour assurer son avenir et c’est cette propre gouvernance qu’il convient d’organiser. Mais il est évident qu’il est indispensable que nous utilisions notre casquette de consommateur pour choisir en fonction de nos objectifs généraux. Et si la Chine décide de refuser des efforts et exporte son carbone en considérant qu’il doit être mis à notre débit, la réponse est simple. Refusons ses produits et achetons en d’autres fabriqués à proximité et recherchant la sobriété.

Corinne LEPAGE
Avocate, ancien Ministre de l'Environnement, Présidente de Cap21.
http://www.actu-environnement.com/ae/news/fiasco_copenhague_9234.php4
 
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